Le 15 juillet dernier, à 17h, se tournaient tous les regards vers la finale de la Coupe du Monde de football, opposant la France à la Croatie. Quelques heures plus tard, scènes de liesses dans toutes les rues de France, gagnante. Le sport le plus populaire du pays réunissait dans la victoire, les cris et les drapeaux, l’équipe et ses supporters. Rien de hautement artistique ici, à priori. L’association du sport à l’art semble d’ailleurs assez inédite au cours de l’Histoire, comme deux mondes hermétiques qui ne dialoguent pas. Le football, pourtant, inspire nombre d’artistes par sa puissance fédératrice, culturelle, esthétique.

Douglas Gordon et Philippe Parreno, à ce titre, braquaient en 2005 dix-sept caméras sur Zinédine Zidane lors d’un match. Titré Portrait du 21^ème siècle, le document nous embarque dans chaque déplacement de l’idole. On observe alors que le football est aussi, et surtout, affaire de vision, d’anticipation, de construction, de rythme, de création. Et c’est ce qui, en 1952, frappe avec force l’œil de Nicolas De Staël, grand peintre inclassable, en quête continue de mise en tension dans ses œuvres.

Alors qu’il assiste au match opposant la France à la Suède, il y voit bien plus qu’un stade où se joue le sort d’une équipe. Il observe, insatiable, des milliers de couleurs. Celles de la foule, bariolée. Celle de la pelouse, grand rectangle monochrome où se déplacent les joueurs, petites touches de couleurs vives comme celles du pinceau sur la toile. L’enjeu du match, la victoire, l’intéresse moins que tout ce qui se déploie autour : la tension, l’énergie, la composition. Tout juste rentré du match, Nicolas de Staël se jette à son atelier, ressentant le besoin de conserver pour réinjecter en son art cette énergie.

De cette nuit blanche et des quelques jours qui suivent, il crée une quinzaine d’œuvres des plus étonnantes, recevant les plus vives critiques comme les plus grandes admirations. Le ballon n’y est pas représenté, concentrant le sujet sur les joueurs, couleurs appliquées à la truelle et se fondant les unes dans les autres, ou se télescopant sur un fond uni. Alors que sa carrière s’essoufflait, la série des Footballeurs lui vaut un regain d’intérêt auprès des collectionneurs. Ces instants d’un seul match immortalisés par les pigments sont aujourd’hui exposés partout dans le monde.